Discours officiel du 1 Aoôt 2003 à Saint-Blaise,
par Lorenzo Zago, Président du Conseil Général de Saint-Blaise
Mesdames, Messieurs, chères concitoyennes, chers concitoyens de Saint-Blaise, de Suisse et du monde, nous avons entendu il y a quelques minutes la lecture du pacte qui constitue le début de l’histoire de la Confédération Suisse, il y a plus de sept cents ans. L’histoire de ces sept cents ans n’a pas été un long fleuve tranquille, on sait que le pacte confédéral n’a en toute apparence pas préservé la Suisse d’un lot assez normal de mauvais gouvernements, d’injustices et de guerres civiles. Et pourtant, il est aussi évident quand on parcourt l’histoire suisse que l’esprit du pacte, cette idée de l’alliance pour la liberté, sont restés présents et se sont développés constamment durant ces sept cents ans.
On le voit dans l’évolution des régimes et des institutions en Suisse, mais c’est encore plus manifeste dans l’histoire des idées et des attitudes.
Il y a comme une vague en profondeur, une lame de fond libertaire qui parcourt notre histoire derrière la façade officielle des pouvoirs et des gouvernements qui se succèdent. Quand il l’a fallut, quand l’histoire a pris ses grands tournants, cette lame de fond est réapparue à la surface des événements et a marqué l’histoire de la Suisse et aussi du monde.
Il y a un épisode de l’histoire suisse qui m’a toujours frappé comme étant une tragique et extraordinaire démonstration du contraste possible entre les apparences et les réalités de l’idée suisse de liberté. Il y a un plus de deux cents ans, les armées de la révolution française envahissent la Suisse de l’ancien régime.
Un canton, le Nidwald, décida de résister jusqu’au bout, et les femmes aussi se sont battues comme les hommes.
Mais ça ne se passa pas comme dans une histoire dé Asterix: les hommes et les femmes du Nidwald furent battus et massacrés.
Le Nidwald, un des cantons fondateurs de la Confédération, fut anéanti, et la défaite a du certainement apparaître aux survivants comme la fin du pacte et de la Suisse.
Mais cette histoire tragique est aussi extraordinaire, puisqu’elle pose en toile de fonds de celle de Heinrich Pestalozzi, le pédagogue Grison qui rassemble alors les orphelins du Nidwald si nombreux et organise leur assistance et leur éducation.
A travers de ses idées et ses actes Pestalozzi invente littéralement le droit des enfants aux soins et à l’éducation et donne un nouveau développement à la notion de liberté.
Les hommes et les femmes du Nidwald croyaient vraiment défendre la liberté des Suisses. En défendant leurs institutions traditionnelles mais en fait aussi les privilèges de leurs notables ils ont cru se battre pour le pacte. Mais ils se sont tragiquement trompés.
Et c’est l’idée de liberté apportée par Pestalozzi, qui s’appuyait sur l’éducation et ce qu’on nomme aujourd’hui les droits de l’homme, qui était la plus juste et qui a ensuite changé le monde.
Aujourd’hui le canton du Nidwald existe encore et se porte bien, aussi grâce à Pestalozzi, le patriote.
Célébrer le 1er août est l’occasion de rappeler notre histoire et ce pacte qui a fait la Suisse et qui a aussi fait les Suisses, en intégrant des communautés de différente langue et religion, ainsi que des personnes venant de tout horizon.
La Suisse du 1er Août est le pays qui a inventé la liberté au Moyen Age, qui a écrasé la plus puissante et orgueilleuse noblesse de l’époque dans des batailles historiques, qui a su préserver cette liberté durant les siècles et la faire évoluer, non sans contradictions et parfois graves contrastes internes, pour devenir ensuite en 1848 le premier pays démocratique d’Europe dans le sens moderne su terme.
La Suisse du 1er août est le pays qui a inventé la Croix Rouge et donné au monde tout le droit humanitaire.
Un pays dont la vraie histoire a été dure, difficile et contrastée. Très différente d’une image de suissitude de pacotille, d’un pays toujours propre et en ordre, genre jodel, cor des alpes et banquiers privées, que d’aucuns essayent de faire passer. Encore moins un pays qui pourrait se permettre une parodie de patriotisme, du type “nous sommes les meilleurs, les autres n’ont qu’à bien se tenir”, des mouvances que d’ailleurs l’histoire montre se terminent très mal pour tous.
Au contraire, nous sommes un pays dont l’histoire est marquée par une très longue lame de fonds libertaire, même si celle-ci n’a pas été toujours évidente à la surface des événements, ni toujours appréciée par les pouvoirs en place.
Mais cette lame de fond a toujours été dans les esprits et dans la culture des Suisses, et quand le moment est venu, des patriotes, hommes et femmes, en Suisse ou venus de Suisse l’ont fait resurgir, et ils ont su se battre pour la liberté, la dignité et le progrès.
Ils ont fait la Suisse et ils ont changé le cours de l’histoire du monde.
Pour cela, Mesdames et Messieurs, en ce 1 août en particulier, en se rappelant quand et où cela a commencé, et comment cela a continué, en rappelant ce pacte qui a fait la Suisse et les Suisses, nous pouvons être fiers de nous sentir Suisses, de vivre en ce pays, et de participer à son destin.
Une très bonne soirée du 1er août à tous, et merci de votre attention.